dimanche 22 mai 2016

ROSE 23

 

                                                   TRAGÉDIE

Amir n'avertit pas, mais rentre une heure plus tard en compagnie de son frère, pâle comme la mort.
— Alors ? crie Rose qui pressent le drame.
Ce dernier outrepasse ses plus terribles craintes. 
— Ma fille ne sera jamais normale, s'effondre Rachad.
Et tandis qu'il sanglote, le front entre les mains, Amir explique d'une voix rauque : 
— La petite est née avec le cordon ombilical autour du cou. Elle était cyanosée et ne respirait pas. Pour bien faire, il aurait fallu la placer sous une tente à oxygène, malheureusement la clinique n'est pas équipée pour. Ils ont quand même fini par la ranimer, mais trop tard. Elle aura sans doute des séquelles.
« C'est un cauchemar », pense Rose, horrifiée.
Hélas, non.                                                

L'après-midi même, laissant ses enfants à la garde de leur père, Rose repart avec Rachad. En chemin, ils n'échangent pas un mot. On ne parle pas à un écorché vif. On se contente d'être là, près de lui, à capter sa souffrance. À se donner l'illusion  — car la douleur, partagée ou pas, demeure la même — d'atténuer son mal en se l'appropriant.
Dire que lui et sa femme attendaient cette naissance comme un cadeau du ciel. Dire que ce jour, sombre entre tous, aurait dû être l'un des plus beaux de leur vie !
Devant la clinique, Rose a les jambes qui flanchent. Affronter l'épreuve est au-dessus de ses forces. Elle cherche le regard de son beau-frère, pour y puiser le courage d'entrer — alors qu'elle ne désire qu'une seule chose : être ailleurs. Mais les yeux de Rachad sont vides et son visage fermé à double-tour.
D'un effort surhumain, Rose pousse la porte vitrée.


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