lundi 6 juin 2016

ROSE 38

 
                                                          SOUS TUTELLE

         Deux semaines plus tard, elle remettra au chanteur quinze poèmes — dont une bonne partie, en toute honnêteté, ne vaut pas tripette — qui, à quelques exceptions près (les moins bons, justement) formeront l'essentiel de son répertoire.
Or, durant ce marathon, Rose néglige sa maison. On ne peut pas être à la fois au four et au moulin, créer d'une main et briquer de l'autre. Devant le désordre qui envahit peu à peu les pièces, la vaisselle sale qui s'accumule dans l'évier, le panier à linge qui déborde, elle finit par accepter l'aide que lui offre spontanément Mona Aoun.
— N'ayez aucun souci, le ménage, c'est mon rayon, déclare celle-ci en retroussant ses manches.
Elle la repousse dans sa chambre, ferme d'autorité la porte — « Écrivez, écrivez, moi, je me charge du reste » — et Rose, ronronnante, se laisse faire. Après tout, elle n'a que dix-neuf ans. A cet âge, combien de jeunes filles sont encore sous la tutelle de leur mère ?
          Au terme de ces quinze jours à se côtoyer quotidiennement, elles se tutoient. Mona Aoun, rebaptisée "Nana" par Grégoire, a tout nettoyé de fond en comble, rangé les placards, viré les bibelots (ces ramasse-poussière) et changé le mobilier de place. De sorte que quand, sa "mission" terminée, la serviable voisine réintègre ses pénates, Rose se sent étrangère dans sa propre maison.
         Qu'à cela ne tienne :
         — Si tu as besoin de moi, n'hésite pas à m'appeler, je suis à ta disposition, lui a recommandé Mona Aoun en s'en allant.
         Rose ne se le fait pas répéter. Désormais, pour un oui pour un non, elle la sollicitera. Durant deux semaines, elle a eu l'impression de retrouver sa Têta, comment pourrait-elle s'en passer à nouveau ?
                                                   

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