samedi 30 juillet 2016

ROSE 92



                                       LES RUMEURS DE LA VIE
 
   Un mois plus tard, Rose est toujours là. Et s'en porte bien.
   Rachad, qui fait régulièrement la navette entre les deux maisons, a quasiment transféré tout le contenu de l'une dans l'autre — hormis les meubles, et encore ! Le lit de Grégoire et le berceau d'Olivier ont pris place dans la petite chambre chaulée, ainsi que la machine à écrire de Rose, ses dossiers et ses documents. De sorte que celle-ci continue son roman — mais vaille que vaille, histoire de dire que. (Le cœur n'y est plus vraiment : question "face cachée", elle a eu sa dose, et se demande si, en fin de compte, elle ne préfère pas écrire des contes pour enfants, nettement moins glauques.)
Par ailleurs, si Rachad, au cours de ses nombreuses allées-et-venues, a rencontré Mona Aoun, il n'en a pipé mot, conformément aux directives de sa belle-sœur. En revanche, il lui a conseillé avec fermeté de ne pas remettre Grégoire à l'école jusqu'au retour d'Amir.     — Inutile de tenter le diable, a-t-il précisé, sans entrer dans les détails.
   Rose a obtempéré de bonne grâce, trop contente d'être prise en charge, de sorte qu'à présent, du matin au soir, le patio résonne de rires et de baragouins d'enfants. S'y  ajoutent, selon l'heure du jour, les jappements de la chienne, les gronderies maternelles, les interpellations des femmes entre elles — bref, les rumeurs de la vie —, de sorte que s'éloigne, jusqu'à n'être plus qu'un mauvais souvenir, le spectre du cloître muet où Rachad errait, comme dans un cimetière.
   N'y manque que la voix mélodieuse d'Omane, car depuis la naissance de sa fille, la diva ne chante plus.
 
 

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