mercredi 7 septembre 2016

ROSE 129

 

                                103 RUE DE LA GOUTTE D’OR

— Nous voilà chez nous, dit Amir. Ce n'est pas Byzance, mais je n'ai rien de mieux à te proposer.
Ce n'est pas Byzance, en effet. Le Petit bal d'Aubervilliers de tante Ida laissait supposer un endroit charmant, genre guinguette au bord de la Marne. Or, il n'en est rien. Question banlieue sordide, Aubervilliers bat tous les records.
— Il y a quand même un parc, heureusement, constate Rose d'une voix blanche.
Et une bibliothèque, ajoute Amir. Je me suis renseigné.
Au carrefour, la voiture de Gaby, empruntée pour l'occasion, oblique vers la gauche.
— Et voici la rue de la Goutte d'or.
Une goutte d'or qui fait déborder le vase : la consternation de Rose se mue en désarroi. À perte de vue, ce ne sont qu'entrepôts déserts, garages désaffectés, bicoques branlantes promises à la démolition, terrains vagues clos par des palissades couvertes de graffitis…
Amir stoppe devant une immense HLM dont l'orange criard fait doublement ressortir la grisaille ambiante.
On… on va habiter là-dedans ? s'étrangle Rose.
Non rassure-toi : notre immeuble, c'est celui d'à côté, le 103.
Un cube de quatre étages, dont la façade accuse un ravalement récent.
L'appartement est au rez-de-chaussée, précise Amir.  
Il se gare, et sort victorieusement la clé de sa poche, tatatatam, avant de précéder sa p'tite famille dans le bâtiment.
— La dernière porte, au bout du couloir.
Cette porte, ouverte, révèle une surface propre — sol en lino, murs blancs, cuisine aménagée —, relativement vaste et sentant bon la peinture neuve.
— Finalement, c'est moins pire que je ne le redoutais, dit Rose en faisant mine d'entrer.
— Popopop ! l'arrête Amir. Il faut respecter le rituel, ma belle.
Joignant le geste à la parole, il pose ses bagages, la soulève à bras le corps et l'emporte solennellement à l'intérieur. Comme une jeune mariée, eh oui ! Les deux loupiots les escortent en riant.
Ainsi, les Tadros père, mère et enfants prennent-ils possession de leur nouveau home.
L'attribution des chambres se fait dans la foulée.
Amir, parant au plus pressé, a acheté la veille une table, quatre chaises et trois matelas qu'il a disposés vaille que vaille. Ils se contenteront, durant les premiers mois, de cet ameublement sommaire — qui aura l'avantage de laisser un maximum de place aux gosses. Quant à Rose, histoire de s'approprier son lieu de vie, elle s'attaquera dès le lendemain à sa décoration : confection de rideaux, dessins et photos punaisés aux murs, un tissu chamarré sur ce qui tient lieu de lit, un autre sur la table… Et des fleurs partout.


Bonus : les coms d'époque... 





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