jeudi 8 septembre 2016

ROSE 130

 


                                   LES PORTES DE L’ENFER


Un quartier, quel qu'il soit, mérite qu'on l'explore. Une semaine après son installation, Rose a déjà repéré tous les commerces, inscrit son fils aîné à l'école maternelle pour la rentrée prochaine, et comptabilisé les "agréments" de la ville, à savoir : outre le parc et la bibliothèque, une piscine, une salle de sport, un cinéma, un théâtre, une grande surface et le métro à dix minutes de marche.
Finalement, en dépit de sa laideur, Aubervilliers a de la ressource, et il ne tient qu'à elle d'en profiter.
Elle a tout le temps pour : son mari bosse comme un malade ; elle ne le voit quasiment plus. La tournée commence le premier juillet — c’est-à-dire dans une dizaine de jours, et l’orchestre est sur les starting-blocks.
— On se produira chaque soirs dans une ville différente, lui annonce Amir, radieux : Charleville-mézières, Béthune, Douai, Melun… Depuis le temps que j'attendais ça !
— Quel dommage que je ne puisse pas vous accompagner, regrette Rose. Ça m'aurait bien plu d'être ta groupie.
Elle mime l'hystérie des fans de groupes de rock :  
— Amiiiiiiiiiiiiir !
— Quand je serai riche et célèbre, je te payerai une bonne pour garder les enfants, pendant nos déplacements, promet Amir. Comme ça, tu pourras venir avec nous.
En attendant, Rose se prépare à un mois de solitude, dans les miasmes grisâtres d'Aubervilliers, que même le soleil d'été ne parvient pas à embellir.
Une chance, dans son malheur : tante Ida lui a fait cadeau de la Rémington de feu son mari — qu'elle a d'ailleurs, vu le poids et le volume de l'engin, eu toutes les peines du mondes à ramener en train. Écrire lui permettra de s'évader. Lire également, et la bibliothèque est bien achalandée. Entre ces deux occupations majeures, le ménage et les enfants l'absorberont assez pour que le temps passe (relativement) vite.
Du moins l'espère-t-elle.
Elle se concocte donc un planning en béton et, dès le deux juillet — après s'être accordé une journée, rien qu'une, de vague à l'âme —, s'emploie activement à le respecter. Le matin : courses, préparation des repas, ménage. L'après-midi : bibliothèque, parc, lecture sur un banc pendant que les enfants jouent, goûter sur place, retour à la maison, bain, souper, dodo. Et enfin, écriture jusqu'à pas d'heure.
Dans ces conditions, Les portes de l'enfer — c'est le titre du bouquin — avance gentiment. Et Rose, jour après jour, nuit après nuit, y puise un regain d'énergie.

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