mardi 22 novembre 2016

LE BEL ÉTÉ 41




















                                                LA MALADE ATTITUDE 

                  J’ai décidé d’être heureux parce que c’est bon pour ma santé.

                                                                                         Voltaire

         Comme toujours dans ce genre de situation, des âmes bienveillantes me dispensèrent moult conseils, allant des tisanes reconstituantes à l’aide psychologique, en passant par le magnétisme, l’acupuncture, le jeûne, la réflexologie, les régimes bio-alimentaires, les médecines alternatives, de préférence issues d’Extrême-Orient, et mille autres thaumaturgies de la même veine.
         — Tu verras, m’affirmait-on, ça aidera ton foie, tes reins, tes intestins, ton sang, à combattre les effets néfastes de la chimio.
Certes, toute cette sollicitude me touchait infiniment, mais la « malade attitude », très peu pour moi. Comme rempart contre l’adversité, l‘amour de Castor me suffisait. L’incroyable allégresse qui m’habitait s’accompagnait d’une certitude de guérison  qui ne laissait pas place au doute.  Rien de vasouillard, rien de forcé ni d’artificiel, dans cette intime conviction ; en fait, je n’y pensais même pas.  Je ronronnais. J’étais heureuse. La vie me souriait. Et mon corps chantait suffisamment fort pour faire taire les malaises qui, en toute logique, eussent  dû l’affecter mais ne l’affectaient point.

J’avais, comment dire ? le sentiment, jubilatoire de défier la mort, voyez ?  De lui faire un pied de nez — enfin, un pied de cœur. Sentiment partagé par Castor, mais, en ce qui le concernait, plus déterminé, plus combattif, je pense. Moins ludique, en tout cas. Il ne luttait pas à mes côtés, il prenait les devants. Il affrontait le cancer à mains nues. Me caparaçonnait de caresses. Dans la moiteur de l’étreinte, nos « je t’aime » triomphants faisaient figure de cris de guerre.

« Derniers feux », ironiserez-vous, goguenards que vous êtes. Mais croyez-en mon expérience : certains couchers de soleil, même de simple routine, sont parfois plus grandioses que des aurores boréales…





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Laissez un chtit mot